Voici une sélection de textes rédigés pour diverses structures culturelles (communiqués de presse, notes de pochettes, parcours d’exposition). J’ai bien d’autres exemples plus mercantiles à vous présenter, n’hésitez pas à me demander par mail si vous souhaitez en savoir plus.
C_C – IKEA (Da Heard It Records / Novembre 2021)
Pour sa 54ème sortie, Da ! Heard It records fait dans le prêt à écouter
Il s’agit d’une cassette de dimensions 102 x 64 mm de type C_C40 que vous trouverez au rayon audio de la Rue des Gardes ou en commande e-commerce sur votre plate-forme Bandcamp et sur le site de Da ! Heard It Records.
Idéale comme décoration vintage sur vos étagères EKENABBEN, elle convient également aux modèles FJÄLLBO, KALLAX ou HEJNE.
Plus qu’un simple objet tendance, il est également possible d’écouter son contenu via votre lecteur dédié pour un beau moment de détente industrielle dans votre foyer.
Le saviez-vous ? L’ensemble musical s’intègre facilement dans votre quotidien ou lors de vos réceptions festives. Découvrez dès maintenant différentes compositions aux sonorités abrasives, mélangeant dub, drum & bass et une électronique aux effets soignés. Pour un dépaysement original, les titres en suédois de chaque morceau sont hérités de la longue tradition IKEA.
Disponible également au format digital. 1 exemplaire restant. Livraison immédiate.
Zyxbotcba – Homemade Acid
(Da Heard It Records / Avril 2022)
Pour sa 56ème sortie, Da ! Heard It Records rêve de raviver la rave.
Après avoir sorti un premier disque en 2011 sur Da ! Heard It , Astroboiler change en 2022 de casquette et surprise : elle est recouverte de smileys.
Sous le nom de Zyxbotcba, le musicien nous sert ici un mix de fractales sonores artisanales au parfum acidulé. Parmi les blips rebondissants et autres samples vocaux grossièrement digitalisés, boîtes à rythmes old school et nappes synthétiques toutes en fluidité rappelleront aux plus anciens leurs premiers mélanges.
Évoquant les balbutiements de l’IDM et plus généralement l’effervescence électronique du début des années 90, ces 11 pillules euphoriques offrent un panorama mental plus fluo qu’un cocktail tropical de Stabilos au césium 137. Une recette faite maison, s’agiter après ouverture.
Lacustre – Votre Utopie Est Notre Dystopie
(Da Heard It Records / Juillet 2021)
Pour sa 51ème sortie, Da ! Heard It Records navigue en eaux troubles.
“Lacustre : qui se trouve, vit auprès d’un lac, dans un lac.”
Avec “Votre utopie est notre dystopie”, on ne sait plus si Johan Sébenne voit son lac à moitié vide ou à moitié plein. Cependant, on devine qu’il aime s’y réfugier dès qu’il le peut.
Tour à tour limpides, sombres ou tourbillonnant en d’étranges remous, les ondes qu’il fait remonter en surface ramènent à lui des souvenirs bien réels, ceux de morceaux souvent finalisés depuis la banquette d’un train. Ainsi, entre deux plongées dans ces longs drones qui oscillent au gré des courants sonores, l’auditeur se retrouve comme par magie sur les rails, aux côtés de Johan qui finit de remuer ses profondeurs.
Enregistrés depuis le wagon, ces field recordings qui émaillent l’album comme autant d’interludes fonctionnent comme de petites respirations entre ces longues apnées solitaires. Surtout, l’ensemble ainsi monté rappelle qu’une utopie reste accessible : partir l’espace d’une cinquantaine de minutes bien plus loin qu’on ne l’avait imaginé !
À Travers – Tesselles
(Da Heard It Records / Avril 2021)
Pour sa 50ème sortie, Da ! Heard It Records investit dans la pierre.
Après un premier essai en forme de survol de leurs machines (Fusée Pétard Volant paru en 2019), le duo À Travers redescend sur terre et gagne en profondeur. Loin des effets pyrotechniques omniprésents de leur précédent opus, Mathieu Rouchon et Maxime Palmer creusent ici les fondations d’un folklore industriel de leur invention. Durant près d’une heure, rythmiques concassées par les machines forment un terrain propice à l’agencement méticuleux de signaux sonores primitifs. Parfois soutenus d’un bourdon synthétique rappelant certaines musiques traditionnelles occidentales, ces éléments se superposent par strates pour façonner une épaisse mosaïque de paysages psychédéliques.
À l’image de sa jaquette minérale (Nadège Moulineau, The Absolute Design & Grö) et d’un choix de titres en écho à diverses légendes antiques, Tesselles semble remonter le temps pour atteindre les origines. Vu d’ici, on devine une bonne évolution.
Cachette à Branlette – Dry Rot Acid of Hope
(Da Heard It Records / Mars 2021)
Pour sa 49ème sortie, Da ! Heard It Records bande magnétique.
Comment parler sérieusement d’un projet musical dont le nom s’apparente à celui d’une grosse blague potache ? Souligner que les morceaux sont bien montés ? Qu’on se prend le tout en pleine face ? Faire allusion à certaines « parties géniales » d’un titre et opter pour la faute de frappe ?
Comme tout le monde, à force de se pignoler, le rédacteur risque de se retrouver à sec…
Alors autant rentrer dans le dur : Florian Steiner aime le plaisir solitaire de s’enfermer avec ses machines pour tripoter des boutons de manière obsessionnelle. De cette Cachette à Branlette s’échappent bel et bien des bruits étranges : des mélodies toutes droites sorties de la culture electro et IDM s’enfilent aux détours de nappes salies par un détuning crado, voire de textures souillées par la saturation.
Sous la jaquette bien astiquée de Greg Kaz Delaure, clin d’œil aux affiches du porno français des années 70, l’album dégage une certaine urgence de produire, voire beaucoup d’excitation. Il ne tient qu’à vous de partager le plaisir.
Johann Mazé – Autre Brousse (Da Heard It Records / Janvier 2021)
Pour sa 48ème sortie, Da ! Heard It Records fait un grand bond dans l’inconnu.
Sur la photo de la jaquette conçue par Pia-Mélissa Laroche, Johann Mazé choisit la course en sac pour traverser ce qui semble être un jardin de campagne. De manière simple, il montre ainsi à l’auditeur la marche à suivre : il lui faut sauter à pieds joints dans cet univers excentrique aux contours flous, comme sorti d’un rêve, à l’endroit-même où la mémoire en sommeil tisse des liens étranges entre les choses.
Ici, des voix énigmatiques s’échappent d’une maison sans murs dont on rentre par le toit ; d’improbables rituels rythmiques forment tour à tour l’exutoire d’une tribu imaginaire ou le défilé d’une batucada de Gilets Jaunes cannibales ; ailleurs, une valse bancale berce l’oreille de douces dissonances ; plus loin, un piano s’éteint dans la nuit, un harmonica s’élève, un métronome donne le ton à une charade de percussions diverses et entraînantes…
Comme un cadavre exquis sur un morceau de papier que l’on déplie peu à peu, chaque nouvelle pièce de l’énigme ouvre la porte d’un territoire inattendu. En passant d’une vignette à l’autre pourtant, les ambiances se répondent par un montage sonore astucieux, patchwork de field recordings, de poésie sonore, d’incantations diverses, d’accords surnaturels rappelant par moments la fantaisie des Residents. Chaque texture s’associe ou contraste avec la précédente pour mettre au jour un nouvel horizon de cette Autre Brousse qui s’effeuille comme une histoire mystérieuse.
Musicien au sein de différentes formations (France Sauvage, Nouvelles Impressions d’Afrique, Chausse-Trappe, Le Cercle des Mallissimalistes…) Johann Mazé et son double fantôme sont les guides d’une excursion étonnante au pays des songes.
Raymond D Barre – Ce Soir Je Vais Me cCoucher Super Tard (Da Heard It Records / Décembre 2020)
Pour sa 47ème sortie, Da Heard It Records entre dans la baston.
Fruit probable de longs errements nocturnes durant l’interminable confinement, Ce soir je vais me coucher super tard a des allures de fête clandestine dans un hangar à la réverbération poisseuse.
Enfilées comme autant de niveaux d’un beat them all imaginaire, ces nouvelles compositions de Philippe Brown filent droit, balancent les claps comme des coups de fouet et déversent maintes nappes toxiques sur le chemin d’auditeurs imprudents.
Comme à son habitude, le musicien aux 1001 projets (Raymond D Barre, Fourmi, René Couteau, son récent duo La Punta Bianca et depuis peu un nouveau label, Hygiène de Vie ) frappe là où il faut : cette bande de musiques synthétiques mutantes déploie un univers singulier que l’on retrouve jusqu’au visuel mutant qui orne la pochette de ce mini-album.
Rappelant par moments les ambiances des films Trauma que l’on chine sur la toile entre deux annonces gouvernementales, cette cassette aux accents industriels offre en une trentaine de minutes l’occasion de partir un peu plus loin qu’avec une simple attestation, dans les mélodies déviantes d’un musicien à suivre.
Wankers United – Solo Romance (Da Heard It Records / Février 2020)
Pour sa 46ème sortie, Da ! Heard It Records fait dans la haute fidélité.
Les années passent mais la passion reste : voilà ce que semble raconter Wankers United à travers Solo Romance, un nouvel album où l’Audonien continue de créer de belles histoires avec ses machines.
Deux ans après Polygon Soup (2018, Da ! Heard It), Thomas Lanza affirme encore un peu plus son amour pour les sonorités franches héritées de l’électro de Détroit. Ce laps de temps a permis à son funk robotique de prendre un peu de vitesse, de s’étoffer de multiples mélodies chaleureuses et de s’offrir un son plus épais, notamment grâce au travail de mastering réalisé par le Finlandais Mesak, compagnon de longue route du musicien.
Il faut dire que contrairement à ce que le titre de cette cassette laisse entendre, Thomas montre au fil des morceaux qu’il reste toujours bien entouré. Au-delà du portrait ornant la pochette dessinée par son ami marseillais Poborsk, ce faux solitaire prend ainsi plaisir à émailler le nom de chaque instrumental d’allusions à son entourage ou à d’autres bons souvenirs bien enfouis dans la bobine. L’ensemble, s’il laisse percevoir une petite pointe de nostalgie, n’est pas passéiste pour autant : il rappelle surtout à ceux qui l’écouteront tout le chemin parcouru par ce fin connaisseur de sonorités électroniques.
Infecticide – Finger Bueno (Da Heard It Records / Février 2020)
Pour sa 45ème sortie, Da ! Heard It Records cultive le goût des rixes.
Une petite fille au regard ahuri, découvrant pour la première fois le goût de la merde. L’illustration de la pochette dessinée par Nils Bertho annonce-t-elle que le pire reste à venir ?
Dans ce moment gênant qu’est la vie, dans cette époque où chacun cherche égoïstement le chemin le plus court pour assouvir ses pulsions, il devient de plus en plus normal d’avoir les boules. Et elles sont parfois chargées de haine…
Quand de tristes clowns se donnent des airs rances, se perdent en errances, provoquent la démence, Infecticide rappelle qu’il est encore temps de mettre le doigt là où ça fait vomir avec Finger Bueno.
Parce que l’heure n’est plus aux bisous, le trio joue à chifoumi et dégaine les cailloux.
Lancées contre tout ce que le sinistre ose, les paroles de ce nouvel album tapent avec humour, soutenues par des basses épaisses comme des parpaings, où se frottent guitares fuzzant dans toutes les directions.
Textes sans détour et obsessionnels, production ultra soignée concentrée sur l’efficacité : la première sortie vinyle de Da ! Heard It a des allures de disque très compact.
En 8 titres solides, rythmiques martiales et martiennes invitent le public à défier les lois de la gravité pour aller ailleurs, loin de ce monde en forme de sac à merde.
Pour son troisième album, Infecticide ne joue plus seulement avec les maux, il les attaque de Front, 242.
Vulcanizadora – Halos (Da Heard It Records / Janvier 2020)
Pour sa 44ème sortie, Da ! Heard It Records vous propose de commencer 2020 en écoutant le monde sombrer.
Après avoir percé sa coquille à coups de beats lourds mais discrets, la musique de Duncan Pinhas & Elric Menant voit le jour au milieu de pépiements électroniques surgissant de toutes parts. Le son se libère progressivement, prend son envol, passe au travers de nappes flottantes tour à tour méditatives ou obstinées, dans tous les cas pleines de vie. À l’horizon, les courbes rythmiques sinueuses se rapprochent pourtant dangereusement, ajoutent du relief à ces plages éthérées qui s’étalent à perte de vue. La matière, de plus en plus proche et rugueuse, grossit, se fait monde au fur et à mesure que la gravité se fait sentir. Les matériaux qu’elle agite colonisent bruyamment les grands espaces sonores jusqu’ici laissés vierges. Pas si lointains, les territoires de Vulcanizadora s’éteignent à notre présence et évoquent l’inéluctable asphyxie à venir.
A_R_C_C – Consensus et compromis (Da Heard It Records / Novembre 2019)
Pour sa 43ème sortie, Da ! Heard It Records nous raconte l’art du bruit.
La pochette minimaliste de Morgane Trouillet ne donne que peu d’indices sur la nature exacte du contenu de “Consensus et Compromis”. Voilà pourquoi cet album d’A_R_C_C commence comme on feuillette un livre dans une librairie. Pareille à la manière dont on parcourt rapidement un avis sur une quatrième de couverture, la lecture de l’objet débute par les applaudissements nourris de spectateurs enthousiastes saluant la prestation du duo. En cherchant une raison à cet apparent consensus, on souhaite savoir où se cache le compromis… L’étrange “table des matières” qui suit, faite d’un déballage de brèves fréquences métalliques en tous genres, annonce rapidement qu’il n’en sera pas question. Radicale, la séance d’accordage entre les machines mène directement l’auditeur au départ d’un lent road movie souterrain où les formes compressées crissent contre les parois. Elles semblent se frayer péniblement un chemin vers l’extérieur, remontent à la surface pour découvrir un territoire désolé où des sons plus clairs résonnent à l’infini, seulement perturbés par les vestiges industriels encore en marche de ce futur imaginaire. On sort de ce récit dystopique avec l’envie d’y revenir, comme fasciné·e par l’environnement hostile qu’il déploie. La cassette est terminée, on la retourne encore une fois, les applaudissements retentissent à nouveau : En moins de trente minutes, la collaboration aux airs chaotiques d’Edouard Ribuyo et Arnaud Rivière a effectivement mis tout le monde d’accord.
Mondial Toboggan – Olympique EP (Whales Records/ Septembre 2019)
La flamme portée par les membres de Mondial Toboggan brille faiblement sur le chemin du stade. Dans l’enceinte du vaste bâtiment, leur arrivée s’accompagne d’une immense constellation de flashs scintillant dans la nuit, faisant crépiter les rangs des spectateurs comme du pop corn. Une foule immense s’impatiente : un Fender Rhodes élégant s’immisce discrètement au cœur de l’édifice et les clameurs anonymes se fondent dans l’obscurité. A la lueur de la simple torche ondoyant en Mondovision parmi ces quelques accords, un solo de saxophone drague le public pour mieux l’entraîner vers la lumière. La planète entière retient son souffle de peur d’éteindre le feu de joie de
l’Olympie…
Survient l’inévitable bouffée d’Oxygène : la Chronologie du Rendez-Vous est soigneusement millimétrée. Au milieu des écrans de télévision, le chaudron s’embrase et les nations s’embrassent. Au rythme des hymnes qui s’enchaînent sous les feux d’artifice, les drapeaux lointains se métissent dans l’euphorie. De toutes parts, des centaines de danseurs en combinaisons synthétiques colorées se synchronisent à de chaleureuses compositions synthétiques colorées ; le groove prend du terrain sur cet instant solennel et la gymnastique se propage gaiement jusqu’aux gradins. Surplombant les tribunes, les belles valeurs du sport éclatent tour à tour dans les messages sponsorisés qui financent ce stade tout neuf voué à disparaître bientôt, une fois les jeux terminés.
L’espace d’une vingtaine de minutes pourtant, tout le monde a cru à ce rassemblement sans frontière, à ce futur fédérateur, à ces belles performances à venir qu’on aimerait souligner par d’encourageants commentaires en espéranto.
Il faut hélas se rendre à l’évidence. A l’image de la décoration tout juste offerte au Médaillé se tenant fièrement au sommet du podium de plâtre, le nouveau disque laser de Mondial Toboggan reste le seul souvenir véritable de cette belle utopie : il brille de nombreux reflets qu’il est bon de toujours célébrer.
Tout commence par un son lointain. Un grésillement de plus en plus présent. S’ajoute discrètement une légère pulsation dont l’onde s’intensifie peu à peu. Les radars se tournent pour en saisir l’origine. La matière prend encore de l’ampleur, annonce une masse sonore compacte. Un rythme lent et écrasé s’installe et soutient cette forme mystérieuse. En vol stationnaire sur une partie de l’album, l’étrange appareil donne un peu l’impression de scanner une présence, de passer à travers l’auditeur figé dans cet obscur décor de science-fiction. Messages codés, morse percussif, LFO de toutes sortes et saccades soniques tentent pourtant un premier contact, comme s’il s’agissait de saisir froidement la substance de notre monde. D’une enceinte à l’autre, les stridulations se répondent tandis qu’en fond, un ronronnement parcourt par moments le paysage fragmenté par la puissance du flux.
Écoutez donc cette cassette dont l’emballage fait main aux titres technologiques nous invite à prendre tout cela avec humour. À bord de l’engin où boîtes à rythmes et machines en tous genres balaient l’espace sans jamais se poser, un duo parisien facétieux tourne les boutons d’un complexe tableau de bord…
À présent, vous parcourez distraitement cet album, et vous vous dites que vous n’avez peut-être rien compris à ce texte. Vous venez de passer À Travers.
Art & Technique – 071617182018 (Da Heard It Records /Janvier 2019)
Pour sa 39ème sortie, Da ! Heard It Records fait naître une nouvelle alchimie.
Figure emblématique de la scène alternative française des années 70 et 80, Bernard Filipetti a longtemps fait chauffer les circuits de ses synthétiseurs analogiques au sein du groupe Camizole en compagnie de Dominique Grimaud ou de son projet solo Art & Technique. Brute, industrielle, sans concession, les enregistrements d’époque de Bernard font écho à ceux d’une nouvelle génération de francs tireurs, qu’il découvre avec enthousiasme au sein du réseau musical parisien de la Rue des Gardes. Il s’entoure alors de Mathieu Habig, le batteur énergique de Guili Guili Goulag et Spoliature, pour relancer ses machines lors du festival des Merguez Electroniques en Juin 2017. Le concert, mémorable, est à l’origine de la présente cassette, née de l’invitation spontanée du label Da ! Heard It et de l’arrivée de Ravi Shardja, (GOL, Couloir Gang) au sein de cette nouvelle formule.
Durant trois jours, après avoir judicieusement placé micros et ventilateurs dans une cave surchauffée de la Porte de la Villette, la formation à géométrie variable met en boîte près de 12 heures de matériel en Juillet 2018. De ces sessions largement improvisées surgissent des structures sonores inédites, marquées par l’atmosphère caniculaire du lieu.
Véritable célébration d’un alliage de personnalités complémentaires, les nappes saturées embrasent progressivement les enceintes pour laisser apparaître le jeu soutenu de Mathieu Habig. Des volutes synthétiques se dévoilent brièvement pour se fondre dans ces longues plages compactes, comme façonnées directement dans la matière. Présente sur deux des quatre titres de l’album, la basse de Ravi Shardja amène un flux krautrock supplémentaire au sein de ces compositions étirées, tendues, forgées compulsivement dans la chaleur de ce studio souterrain. Rappelant les différentes strates sonores usinées au devant de cet assemblage percussif, la pochette qui accompagne cette production a été conçue avec précision par Pia Mélissa Laroche. A l’intérieur, les bandes magnétiques capturant l’énergie vive de ces sessions donnent une idée juste de leurs concerts et invitent à la frénésie collective.
Trente ans après ses débuts, Art & Technique se réinvente à coup de rythmiques tribales, de lignes de basses obstinées emballées dans une électronique dense, psychédélique, en perpétuelle ébullition.
Bernard Grancher – Pleurs Magnétiques (Da Heard It Records /Novembre 2018)
Pour sa 38ème sortie, Da ! Heard It Records change votre matière grise en matière noire.
Comme le café trop chargé qui amène chaque matin à l’éternel travail, cet album cassette a le goût sombre et amer de la routine sans espoir.
Avec cette collection de boucles vagues dont la hauteur des notes instables ramène à la surface les incertitudes du quotidien, les Pleurs Magnétiques contenus dans ce breuvage emmènent à la dérive l’auditeur loin du sommeil réparateur.
Cabossées, usées, brinquebalantes, ces bribes d’existence ressassées s’échouent sur des plages sonores sans soleil.
En arrière plan, le souffle continu qui les anime laisse parfois percevoir celui de son auteur, Bernard Grancher.
Après avoir sorti de l’oubli les bandes magnétiques d’une centaine d’anciens morceaux réalisées dans les années 90 avec son comparse Emmanuel Lautreamont, le rouennais s’est livré ici à un exercice de style original.
Usant de son 4 pistes comme d’un véritable instrument, il joue d’effets divers pour dénaturer ce matériel initial.
Entre poésie sonore et musique industrielle, le résultat montre une facette inédite de son travail, tout en restant proche de ses obsessions habituelles. L’illustration qui l’accompagne, signée Nicolas Nadé, semble elle aussi bien fidèle à cette vision pessimiste de notre époque.
Que vous soyez familier de sa synth pop surréaliste parue sur Ego Twister et Gonzaï ou tout simplement intrigué par les ambiances obscures, il est certain que vous vous laisserez tenter par ce petit café noir…
“Réussir sa vie c’est croire en l’instant où tout est magie, où tu es géant, réussir sa vie c’est traverser un océan sans savoir pourquoi ni pour qui, à l’aventure, tout simplement” Bernard Tapie
Dans les années 80, les français n’ont pas froid aux yeux : quand certains se lancent à corps perdu dans la musique ou le business, d’autres vont jusqu’à enlever le haut puis le bas pour se faire remarquer… Si Bernard Tapie comprend rapidement que sa fortune se trouve plutôt dans les affaires, de nombreux rêveurs mélomanes s’imaginent déjà sous le soleil, dans un monde enchanteur fait de rythmes funkys et de synthétiseurs.
Pendant que le Front National se développe dans l’ombre de François Mitterrand, ils métissent le funk New Yorkais de sonorités électroniques, orientales ou africaines. Souvent adeptes de la “farce tranquille” initiée par les radios libres nouvelles, ces musiciens issus de tous les milieux cherchent l’argent facile dont on leur parle tant. Avec leurs arrangements à la croisée des genres, leurs paroles souvent scandées, ils font honneur à la génération Touche Pas À Mon Pote et dessinent sans le savoir les prémices de la culture urbaine contemporaine en France.
Il faut dire que la période est propice aux mélanges en tous genres : suite à l’arrivée de la gauche au pouvoir, de nombreux sans-papiers viennent d’être régularisés et les cultures du Sud sont à la mode dans tous les milieux. Alors que les français admirent la ”beauté sauvage” de Grace Jones dans les publicités de Jean Paul Goude, ils profitent de leur cinquième semaine de vacances fraîchement acquise pour se basaner sur les plages du Maghreb. Suivant l’exemple de The Clash, punks et rockers se convertissent au reggae et les radios libres nouvelles élargissent leur programmation aux “musiques du monde”. L’influence est telle que dans la boîte parisienne sélect’ du Keur Semba, les politiciens de tous bords viennent magouiller discrètement l’avenir de la Françafrique sur fond de disco et de tubes exotiques…
À l’autre bout de la pyramide, ce sont les vagues successives d’immigration qui enrichissent la France d’une bien meilleure manière. Avec l’essor des MJC, la pratique d’un instrument de musique devient accessible aux milieux modestes et suscite de nouvelles formations. Pour ces mélomanes souvent nés en France et pourtant déracinés, ce moyen d’expression résonne avant tout comme une volonté de s’intégrer tout en revendiquant leur héritage culturel. Pour ceux qui viennent à leur rencontre, c’est une formidable oasis d’influences nouvelles susceptibles de plaire à un plus large public.
Entre esprit de gaudriole et espoirs communautaires, les musiciens de cette scène singulière n’ont probablement pas réussi leur vie au sens où Bernard Tapie l’entend. Cependant, leurs recherches ne laissent aucun doute : en facilitant l’essor d’une nouvelle culture hybride dont sera notamment issu le hiphop français, ces artistes méconnus sont bel et bien partis à l’aventure, tout simplement.
Soleil soleil
Depuis les années 60, de nombreux établissements à destination de la communauté maghrébine sont apparus aux quatre coins de la France. Dans ces bars et discothèques que les aînés imaginent souvent comme des lieux de perdition, les 45 tours orientaux du bled comme les productions locales combinant raï, funk franchouillard ou proto-hiphop sont diffusés. Grâce au support cassette, les nouveaux morceaux circulent entre Paris, Lille, Strasbourg, Marseille et bien d’autres agglomérations, principalement dans les milieux ouvriers. Les artistes qui y sont compilés forgent petit à petit un style original où se confondent sur une même bande le son de leurs origines et celui de leur pays d’accueil.
Plaque tournante de ces productions métissées, la ville de Lyon comprend de nombreux labels comme l’Étoile Verte, Mosquito, SEDICAV, Mérabet, Bouarfa ou El Bahia. Cette scène particulièrement prolixe s’ouvre peu à peu à de nouveaux publics : Nordine Staifi ou Shams Dinn s’illustrent sur vinyl et Carte De Séjour est repéré par le DJ anglais John Peel… Mené par Rachid Taha, ce groupe de rock arabe s’amourache même de la Douce France de Charles Trenet. Teinté de chaleureuses sonorités orientales et d’une pointe d’ironie, leur reprise se voit alors bêtement censurée en France.
Ailleurs pourtant, d’autres mains se tendent entre nouveaux arrivants et français “d’origine”. A Rouen, c’est Bernard Guégan, animateur culturel dans un centre d’insertion professionnelle qui initie de jeunes beurettes au rap en vue d’un concours organisé par un magazine. Repérée grâce à Vally du duo de stars Chagrin d’Amour, la troupe est mise en boîte par le producteur Slim Pezin sous le nom d’Ettika. Malgré quelques coups de projecteurs médiatiques, rien n’y fait : ce single trop métissé pour l’époque n’est hélas pas l’ascenceur social escompté pour sortir du ghetto les quatre adolescentes qui le portent… Mélangeant français et arabe au sein d’une même mélodie synthétique, ce morceau est un souvenir touchant des balbutiements du hiphop français, loin de la misogynie et de la violence qu’on lui connaît parfois aujourd’hui.
Radio je t’aime
Avec l’essor des radios libres tout juste autorisées par le gouvernement de François Mitterrand, les ondes reflètent mieux que jamais toute la diversité des musiques en France. Des genres jusque là méconnus venus d’Afrique ou des îles prennent place dans l’émission Sonomundial de Radio Nova. Sur Carbone 14, l’animateur Phil Barney s’essaie au parlé chanté entre deux morceaux de funk américain et les derniers tubes en provenance du Maghreb font la joie des auditeurs de Radio Beur. De nombreux concours font également émerger de nouvelles starlettes comme Marie José Fa ou Ettika tandis que sur les antennes plus confidentielles, une foule d’auto-productions (Creole Star, Manu…) est diffusée à un cercle d’initiés.
Cette vive émulation n’échappe évidemment pas aux requins de studio de l’époque qui assaisonnent tout et n’importe quoi d’une petite touche exotique pour stimuler les ventes. C’est ainsi également que persévèrent certains vieux routiers du groove qui signent pour eux-même ou pour d’autres quelques belles productions d’époque.
Slim Pezin (Ettika) Déjà renommé sur le créneau disco-funk grâce aux disques d’Arpadys ou de Voyage dont il est membre, Slim Pezin est l’un des arrangeurs phares du Tout Paris des années 70 et 80 (Claude François, Mylène Farmer, Johnny Hallyday…). Par ailleurs, il compose de nombreux morceaux d’illustration sonore pour les labels Telemusic ou CBS. Marié à une camerounaise, ami de Manu Dibongo et de Bernard Estardy, cet homme de studio chevronné a le goût pour le groove et les sonorités afros. Au début des années 80, il lance la carrière du groupe Kassav’ et signe notamment la production des titres de Chagrin d’Amour ou d’Ettika.
Sammy Massamba Véritable icône de la musique congolaise, Sammy Massamba a commencé sa carrière dans les années 60 au sein du groupe vocal protestant Les Cheveux Crépus. Par la suite initié à la guitare, ce touche à tout intègre rapidement des influences rumba, afro-funk ou même disco dans ses compositions. Souvent demandé pour la qualité de son jeu dans les studios parisiens des années 70, il est l’auteur de nombreux tubes afros dont le plus célèbre est “Propriété Privée”.
JM Black Avec un oncle directeur de radio et un cousin bassiste d’exception (Vicky Edimo), ce camerounais originaire de Douala baigne depuis sa plus tendre enfance dans la musique. Arrivé en France au début des années 80 pour faire ses études, il fait ses armes au sein du groupe Overdrive en compagnie des frères Accardo. Surnommés les “Petits Américains” tant leurs productions font écho à celles de New York, ils sortent un premier 45 tours funky et tournent partout en France avant de se séparer pour vivre d’autres aventures. Lancé en 1984 alors que la mode est déjà au breakdance, le “Lipstick” coloré de JM Black passe hélas inaperçu… Jusqu’à aujourd’hui !
Philippe Chany En compagnie de Phil Krootchey et Fred Versailles, le jeune Philippe Chany fonde en 1981 le groupe de funk électronique Love International sur lequel chante notamment son vieil ami de lycée, Alain Chabat. Partageant avec ce dernier un goût pour l’humour potache, il compose de nombreux musiques et jingles pour le groupe Canal+ (Les Nuls, Nulle Part Ailleurs, La Cité De La Peur…) ainsi qu’une parodie en arabe du tube “C’Est La Ouate” de Caroline Loeb intitulée “C’Est Le Kawa”. Blague à part, on peut également apercevoir son goût pour les musiques orientales sur son unique album personnel “Rive Gauche”, sorti en 1983.
Hamidou En 1984, ce chanteur de variétés algérien sort sur cassette un morceau très singulier dans sa discographie, écrit par un arrangeur de musique de film : Farid Belkhirat. Imaginé dans l’esprit de “Chacun Fait C’Qui Lui Plaît” de Chagrin d’Amour, le titre est mis en clip l’année suivante par l’unique chaîne de télévision d’Algérie, la RTA. A cette époque, le pays est encore très conservateur et cette vidéo est avant tout pensée pour détourner la jeunesse des musiques trop subversives comme le raï. Après ce succès éphémère et un tube de l’été diffusé par TF1 en 1998 (“Yakalelo”, plus d’1 million d’exemplaires vendus), Hamidou continue de nos jours la musique en animant les mariages de sa région.
Alec Mansion Avant de fouler le plateau du top 50 au sein du groupe-fratrie Leopold Nord & Vous avec “C’est l’Amour”, le belge Alec Mansion a eu une autre vie. Entre 1982 et 1983, il compose deux albums électroniques aux côtés de deux des membres du groupe Telex. Avec ses accords à la Chic et ses paroles écrites par Marc Moulin, “Trop Triste” a été réalisé entre Liège et Montréal. Si le résultat de cette collaboration n’a jamais connu de succès commercial, les disques issus de cette période restent très recherchés par les connaisseurs.
JOEL FERRATIA Avant de réaliser le documentaire “Des Jeunes Gens Mödernes” en 2011, Jérôme de Missolz (actif depuis 1976) imagine en 1988 un court métrage à la forme inédite, entre fiction et témoignage unique sur l’underground parisien des années 80. Durant les 20 minutes de Fury Rock, on croise aussi bien la célèbre bande antifa des Ducky Boys que Joël Ferrati, futur membre du groupe Timide Et Sans Complexe dès 1990. Composé par ses soins, “Pourquoi Tant De Haine ?” clôture le film comme cette compilation. Par son titre, ce morceau prémonitoire semble déjà questionner les changements à venir dans le ton du rap français…
Jardin d’Acclimatation : quand le Brésil se raconte…
Dans le cadre de l’exposition Sensacional Brasil du Jardin d’Acclimatation, j’ai rédigé une série de 20 panneaux dévoilant la richesse culturelle de ce pays.
Géographie, biodiversité, architecture, cuisine, football, fêtes ou musiques sont ainsi dévoilés aux spectateurs curieux.
JEU: dans ces quelques photos, un des textes n’a pas été rédigé par mes soins, saurez vous trouver lequel?
Fourmi – L’Allunissage des Fragilos / Da Heard It Juin 2018
Pour sa 37ème sortie, Da ! Heard It Records met vos oreilles en orbite.
Mais qui sont donc les Fragilos, personnages mystérieux partis à la découverte de territoires apparemment inconnus ? Prenez le temps de suivre leurs aventures à travers cet album aux allures d’OVNI encapsulant en 13 morceaux quelques instants de leur furtive existence…
À la manière des disques d’illustration sonore des années 70/80 dont Philippe Brown s’inspire, les titres des compositions de cette cassette sont autant d’indices pour stimuler l’imaginaire des auditeurs. Ainsi, en gardant la jaquette dessinée par Man Oroa entre ses mains pendant l’écoute, chacun pourra se faire sa petite histoire et découvrir des mélodies aux apparences naïves et pourtant loin d’être évidentes.
On passera ainsi tout simplement de Lune à l’autre sans jamais vraiment atterrir, flottant doucement au-dessus du sol parmi des rythmes bossa, zouk ou orientaux et des ambiances cinématographiques empreintes autant de second degré que d’une légère mélancolie.
Attiré par une époque musicale qu’il n’a pas connue mais dont il utilise les codes avec style, Philippe fait évoluer ses personnages bien au-delà des frontières musicales dont on s’encombre parfois. Avec cette bande originale fictive à la croisée des genres et des époques, il part visiblement très loin, si loin que tout laisse à penser que ce musicien rêveur a bel et bien la tête dans la Lune !
Bill Vortex – Vortex Des Réformés / Da Heard It Mai 2018
Pour sa 36ème sortie, Da Heard It Records flotte dans les mondes parallèles de Bill Vortex.
De parallèles, il en est bien question tout au long de cet album qui multiplie les références à plus de 30 ans de musique synthétique et dansante. Dans ce Vortex Des Réformés s’agencent au millimètre des pièces aux contours géométriques variés, rappelant l’illustration de la cassette imaginée par Vomplie.
Contrairement à beaucoup d’albums, les morceaux associés ici ne sont pas pensés comme un tout uniforme mais plutôt comme un voyage bien construit à travers les époques et les styles. Acid house, électro des origines, influences africaines, skweee nordique, breakbeats torturés ou interludes ambient alternent tour à tour moments de répit et d’autres, plus chargés en BPM.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces territoires d’écoute contrastés ne donnent jamais l’impression d’avoir été mis bout à bout comme ceux d’une compilation. Ils constituent au contraire une œuvre en forme d’hommage aux musiciens qui ont accompagné le quotidien sonore de Patrice Curtillat durant toutes ces années.
Portrait musical dont chaque ligne résonne comme une influence longuement étudiée, le résultat condense tout le savoir-faire de son auteur sur une même bande magnétique. Il est certain que les mélomanes curieux auront plaisir à la dérouler pour retracer à leur manière cette précieuse histoire…
Wankers United – Polygon Soup / (Da Heard It) Janvier 2018
Pour sa 35ème sortie, Da ! Heard It Records vous plonge la tête dans un bouillon d’idées funk.
Il flotte un aileron de requin dans la soupe de polygones de Wankers United. Sorti des profondeurs, le squale imaginé par Elise Kobisch-Miana qui illustre ce nouvel album semble attiré par la surface après un très long sommeil. Il faut dire que cette nouvelle production foisonne de références comme d’idées fraîches.
Grand chef du skweee en France via son label Mazout, Thomas Lanza a toujours eu le goût de la bidouille électronique et des rythmes syncopés hérités de sa culture hip hop. Après s’être essayé dans ce style sur de nombreuses compilations, il sort son premier album chez les américains d’Ausland en 2017 et remet le couvert chez Da Heard It ! avec une série de morceaux en forme de plat de résistance.
Côté cuisine, on retrouve avec plaisir ce qui fait le charme de ses productions habituelles mais préparées ici avec le souci de respecter les traditions. Plongés dans un grand bain d’acid et d’electro old school, les ingrédients de cette recette élaborée rappelleront aux mélomanes sensibles la saveur des origines, quelque part entre Cybotron et les belles heures du label Warp. Le résultat, au delà du skweee qu’il concocte habituellement, lorgne plutôt vers une IDM ludique et débarrassée du superflu.
Faisant évoluer avec précision l’agencement des sons au fil des morceaux, Thomas ne laisse pas de place au hasard dans son joyeux mélange et rappelle qu’il a depuis plus de 15 ans acquis une solide expérience en la matière. Familier de Luke Vibert dont l’influence est ici évidente, il pimente cependant ses mélodies d’une jolie touche orientale et montre ainsi s’il le fallait encore qu’il fait bon vivre à Saint-Ouen.
NIT – Dessous de Plage / (Mutant Ninja) Avril 2017
Si vous n’avez pas de platine, sachez que ce disque peut également faire office de dessous de plat.
Trouvé dans une maison de vacances au bord de l’océan, l’ustensile de table qui sert de pochette à ce recueil pop est un souvenir de plage d’une autre époque que l’on ne saurait dater clairement. L’illustration figure une paire de transats dans un décor estival et naïf : l’endroit parfait pour écouter son accompagnement musical, prenant la forme d’un voyage à la croisée de la library music, des bandes originales françaises des années 70’s et d’un funk électronique fait main.
Soufflée par l’air du temps ou plongée tout à coup dedans, cette collection de titres sans âge donne des coups de soleil en hiver, des frissons en été et sème la zizanie dans la tête de celui qui essaie d’en parler. On finit donc par conclure que vraiment, il n’y a plus de saisons et l’on se laisse distraitement bercer par les paroles de «Imparfaite» glissées au milieu de mélodies fluides comme du jus d’orange.
Il est maintenant là sur la table, a côté du dessous de plat et l’on se prend déjà à rêver d’être ailleurs, comme ce touche à tout insouciant qui joue avec ses références musicales pour imaginer la possibilité d’un autre futur.
CHEBRAN – FRENCH BOOGIE 1981-1985 (Born Bad/Serendip, 2015)
Dans la France de Mitterrand, les modes filent comme les gouvernements. Toujours dans le vent, les jeunes du début des années 80 butinent avec légèreté chaque indispensable nouveauté. Confiante dans l’avenir du Minitel, décomplexée par les discussions sexys des radios-libres naissantes, cette génération rose rêve de clubs de vacances et de pistes de danse. Témoignage ludique des années fric et toc, le French Boogie en est la bande-son idéale.
Reflet d’une époque où tout semble encore possible, ce qu’Internet appelle aujourd’hui French Boogie désigne un funk synthétique aux couplets parfois scandés annonçant l’arrivée prochaine du rap hexagonal. Assimilée au post disco, se nourrissant de la musique black, et flirtant parfois avec la new wave, cette pop insouciante aux paroles potaches a le goût pour les plaisirs faciles, la frime, et les vacances au soleil. Une musique en phase avec son époque, qui glorifie au passage le luxe, la réussite et un certain mode de vie consumériste incarné notamment par Bernard Tapie.
Dans les boîtes de nuit populaires de l’époque, telles la Main Bleue de Montreuil et l’Echappatoire de Clichy-sous-Bois où officiait le DJ Micky Milan, un public enthousiaste découvre toute une vague de musiciens influencés autant par la variété française que par Sugar Hill Gang ou Kurtis Blow. La plupart des artistes du début s’investissent sincèrement, mais comme souvent en France quand arrive un courant musical, la dérision et la légèreté vont vite servir de subterfuge pour imposer ce nouveau style. Un cocktail explosif, où le son de New-York s’accommode de textes franchouillards improbables, et qui rappellera à certains l’univers des comédies farfelues de Max Pécas ou de Claude Zidi. Cette scène prolifique, issue en partie de la communauté juive de l’époque,cherche la baraka, et essaye de décrocher la timbale avec les moyens du bord. Personnalités médiatiques, inconnus en quête de gloire et autres stars d’un soir tentent le tube avec plus ou moins de succès. Hormis « Vacances j’oublie tout » d’Elégance, « Un fait divers et rien de plus » par Le Club, ou « Chacun fait ce qui lui plaît » de Chagrin d’amour (produit par Patrick Bruel), la funk en France, c’est l’histoire d’un braquage raté.
Dans les boîtes de nuit populaires de l’époque, telles la Main Bleue de Montreuil et l’Echappatoire de Clichy-sous-Bois où officiait le DJ Micky Milan, un public enthousiaste découvre toute une vague de musiciens influencés autant par la variété française que par Sugar Hill Gang ou Kurtis Blow. La plupart des artistes du début s’investissent sincèrement, mais comme souvent en France quand arrive un courant musical, la dérision et la légèreté vont vite servir de subterfuge pour imposer ce nouveau style. Un cocktail explosif, où le son de New-York s’accommode de textes franchouillards improbables, et qui rappellera à certains l’univers des comédies farfelues de Max Pécas ou de Claude Zidi. Cette scène prolifique, issue en partie de la communauté juive de l’époque,cherche la baraka, et essaye de décrocher la timbale avec les moyens du bord. Personnalités médiatiques, inconnus en quête de gloire et autres stars d’un soir tentent le tube avec plus ou moins de succès. Hormis « Vacances j’oublie tout » d’Elégance, « Un fait divers et rien de plus » par Le Club, ou « Chacun fait ce qui lui plaît » de Chagrin d’amour (produit par Patrick Bruel), la funk en France, c’est l’histoire d’un braquage raté.
Si quelques tubes permettent à certains de se payer une place au soleil ailleurs qu’au Club Med, le mouvement s’essouffle rapidement, mettant de côté franches personnalités motivées à la carrière éclair et les opportunistes déçus d’avoir raté leur « coup ». Dès lors en 1984, le French Boogie « déjà fatigué » se fond à son tour dans de nouveaux genres. D’un côté, la culture rap et breakdance (via l’émission H.I.P.H.O.P. de Sydney ou celle de Dee Nasty sur Radio Nova) continue de perpétrer son phrasé à travers un univers plus urbain. De l’autre, c’est l’italo, le new beat et la house qui prennent le pas sur la piste de danse et affirment encore plus la volonté de créer une musique de club.
Coincé entre l’ère du disco et celle des musiques électroniques modernes, le French Boogie se résumera ainsi à un courant musical de transition, un témoignage original du brassage des cultures populaires et underground de l’époque. Si le genre a hâtivement été classé comme anecdotique malgré son groove synthétique précurseur et ses lignes de basses imparables, ses excentricités révèlent à force d’écoute une certaine poésie de l’éphémère. A la source de courants majeurs, et pourtant sans clivage, sans prise de tête, c’est une musique avant tout pour faire la fête.
KLATEN – Sans Titre (Da Heard It Records / 2016)
Pour sa 30ème sortie, Da ! Heard It Records vous offre un témoignage émouvant : celui des derniers jours de l’ordinateur de Klaten. Inspirés par les glitchs épileptiques d’une carte vidéo usée jusqu’au circuit, les sept morceaux de ce disque forment un assemblage méticuleux d’objets violents non identifiés d’où émergent des mélodies venues d’un autre monde.
Tergiversure, Déglutogène, Exoplaste : chacun des titres présents semble être une tentative de greffe pour maintenir en vie quelques instants supplémentaires un microprocesseur poussé dans ses derniers retranchements. Infographiste 3D de profession, Klaten a en effet gardé de cette pratique un soin extrême du détail et le goût pour les univers singuliers. En témoigne la pochette du disque, signée Elise Kobisch-Miana, panorama de cristaux aux perspectives éclatées qui rappellent les nombreux reliefs de l’album.
Ouvrant la voie avec Stipulite, Klaten fait pénétrer l’auditeur dans les méandres d’une caverne labyrinthique où rythmes rebondissants font parfois teinter de faibles lueurs minérales. Creusant plus profondément dans la matière, il poursuit son parcours tête baissée à travers les reflets étincelants d’Exoplaste et les breakbeats acérés de Tergiversure. Arrivé au coeur d’un magma sonore en ébullition d’où il puise de nouveaux matériaux métalliques (Phoryaphile, Gramafion), il achève son périple par le souffle de Stratiformis afin de refroidir les ventilateurs surchauffés de sa machine controllée positive à tous les VST. Hélas, il est déjà trop tard…
Ultime souvenir de cette traversée, le parisien C_C offre pour conclure sa propre vision du voyage : un remix aux rythmes massifs où bourdonnent en arrière plan le son de ses machines analogiques. Hommage aux paysages complexes d’Autechre et aux expérimentations du label Schematic, ce disque à l’imaginaire riche et surprenant est resté sans nom. Comme un défi pour l’auditeur, les sonorités qu’il déploie donnent toutes les pistes pour lui en trouver un.
Vous pouvez trouver d’autres communiqués rédigés par mes soins pour le label Da Heard It Records juste ici.